« Stériles et revanchards ». Les habitués du Conseil Municipal d’Hénin-Beaumont et les lecteurs de son journal municipal connaissent cette rengaine par cœur. C’est le couple d’adjectifs préfèré du Front national pour qualifier son opposition, répèté en boucle jusqu’à l’écœurement depuis maintenant plus d’un an.
J’ai déjà eu l’occasion de m’étonner de ces qualificatifs d’une extrême mauvaise foi, surtout quand on les met en parallèle avec le travail mené par l’opposition municipale depuis le début du mandat: dépôt d’une ou de plusieurs motions à chaque conseil municipal, le plus souvent adoptées à l’unanimité d’ailleurs, travail approfondi et propositions sur les différentes délibérations malgré la réception tardive des documents, présence aux temps de la vie municipales comme aux commémorations …
Ces qualificatifs dont le Front héninois nous affuble sont encore plus surréalistes lorsque l’on considère leur propre attitude, qui après une tentative de quelque mois de gérer la ville en mode « Hénin-Beaumontland, la ville où le FN est gentil » devient de plus en plus menaçante pour nos libertés publiques.
Acte 1: interdiction de tracter sans l’autorisation du maire
Le 18 avril dernier avait lieu la journée internationale de mobilisation contre le traité TAFTA.
Avec les jeunes écologistes et d’autres jeunes de gauche d’Hénin-Beaumont, nous avons décidé de tracter au « rond point des vaches » (dans la zone commerciale) pour sensibiliser au contenu de ce traité et aux risques qu’il fait courir sur nos normes sociales, environnementales et sanitaires.
Ce tractage ne représentait aucune menace pour la sécurité, se déroulait dans une ambiance bon enfant, du côté militant comme du côté des automobilistes, et n’a fait l’objet d’aucun incident.
Au bout de 15 minutes cependant, la police municipale est venue nous dire qu’ils avaient reçu ordre de faire cesser cette diffusion de tract. Motif invoqué: nous n’avions pas demandé « l’autorisation au maire ». Du jamais vu. Et des faits particulièrement angoissants pour nos libertés publiques et politiques dans cette ville où décidément, tout est devenu compliqué pour qui ne va pas le sens du parti majoritaire.
Une décision d’autant plus incompréhensible que TOUS les élus Front National avaient voté le 22 septembre 2014 la motion que j’avais portée sur le sujet pour le groupe d’opposition et qui déclarait « Hénin-Beaumont commune hors-TAFTA ».
Je précise que je ne remets absolument pas en cause les policiers municipaux, qui ne font que leur travail et, dans ce cadre, appliquent les consignes de leur hiérarchie.
Mais une municipalité frontiste de plus en plus autocrate.
Steeve Briois a t’il d’ailleurs, une seule fois dans sa vie de militant, demandé l’autorisation au Maire pour tracter?
Acte 2: le « cacahuète gate »
Cinq jours plus tard, le maire passait la seconde niveau propagande cette-fois.
Certain-e-s d’entre vous ont vu passer sur Facebook une photo de ce que l’on a décidé d’appeller en rigolant le « CacahuèteGate ».
Comme ce « post Facebook » de Steeve Briois a été « sponsorisé » (c’est indiqué clairement sur la capture d’écran ci-dessus) – c’est-à-dire que l’élu Front National a versé de l’argent pour que tous les gens ayant indiqué « Hénin-Beaumont » sur leur profil reçoivent cette information comme les marques le font pour une publicité -, cette photo a fait le tour de la ville.
Vous vous en doutez, cette communication est totalement manipulatoire. En voici le contexte: le vendredi soir, une délégation de 40 personnes était reçue à Hénin-Beaumont pour le week-end, venue de Herne, ville Allemande avec laquelle nous sommes jumelés depuis plus de 60 ans.
Adhérente de l’association héninoise des « amis de Herne », c’est tout naturellement que je me suis rendue le vendredi soir à l’hôtel de ville au pot qui était organisé en leur honneur. Non pas pour me goinfrer de petits fours (un repas – payant – pour lequel, que tout le monde se rassure, j’avais cotisé sur mes fonds personnels – était organisé dans la foulée). Mais pour échanger avec les participants.
Très gentillement, un adhérent de l’association m’a proposé de prendre un verre (toute monde avait un verre à la main). J’ai décliné en rigolant, en lui disant que si je faisais cela, ça me causerait des problèmes. En effet, le Front National a très mal pris qu’au cours de l’examen du budget 2015 début avril, mon collègue d’opposition Stéphane Filipovitch révèle entre autres l’explosion des frais de réception de la ville depuis l’arrivée aux manettes de Steeve Briois. Et commençant à connaître les oiseaux, je me doutais que cette histoire de prendre un verre sentait le traquenard…
Le collègue de l’association, incrédule, toujours son verre à la main, s’est mis à m’expliquer « mais Marine fais gaffe tu deviens PARANO, ils feraient pas ça quand même, y’a PAS DE PROBLEME, ce soir c’est DETENDU ».
Je lui ai alors proposé une petite expérience: « Regarde, je vais prendre DEUX cacahuètes, tu vas voir le psychodrame », joignant le geste à la parole.
Evidemment, Bruno Bilde dégainait son smartphone, ce qui m’amenait au twitt suivant.
Il me menacera instantanément de « publier ma photo dans le journal municipal en train de me goinfrer sur l’argent du contribuable ».
Avant de faire poster au maire sur son profil Facebook la photo que vous avez vue plus haut, alors que nous étions tous attablés au repas organisé en l’honneur de la délégation dans une salle municipale voisine. A grand renfort, comme je vous l’ai expliqué, d’achat d’encarts commerciaux pour tenter une humiliation radicale.
Bref, un député-maire prêt à donner de l’argent à Facebook pour que ses contribuables puissent voir une écolo manger des cacahuètes comme au zoo… Original. Une belle preuve de génie en terme de manipulation de l’information? Ou plutôt en terme d’obsession, de rancoeur et de fébrilité en mode « stérile et revanchard »?
Sauf que ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que beaucoup d’habitants, y compris parmi ses propres électeurs, seraient choqués par la démarche. Cette semaine là, je n’ai jamais été autant contactée par des gens de la ville que je ne connais pas…
Y compris par des personnes surprises d’avoir été bloquées par le maire suite à leur commentaire. Regardez ces captures d’écran prises au hasard. Deux minutes plus tard, seuls les commentaires insultants des frontistes n’avaient pas été supprimés. Et les récalcitrants carrément définitivement bloqués.
Encore un grand moment d’hommage frontiste à la liberté d’expression!
Acte 3: la tribune municipale censurée
Quelques jours plus tard (jamais le temps de s’ennuyer dans cette ville quand on est élu dans l’opposition), on passait encore au cran supérieur.
Bruno Bilde, se réfugiant devant une soit-disant diffamation (il n’a pas aimé le terme « se goinfrer » – par contre expliquer que je me « jette sur les buffets » il n’y a pas de problème), a décidé de ne pas diffuser notre tribune municipale, pour ne pas que vous puissiez lire les chiffres et les données que nous y détallions :
> Budget général de fonctionnement 2015 : hausse de 600.000 euros !
> Dépenses d’alimentation, fêtes et cérémonies, déplacements, réception : hausse de 135.000 euros pour arriver au total ahurissant de 315.000 euros !
> Masse salariale 2015 : hausse de 860.000 euros !
> Epargne 2015 : baisse de 1.000.000 d’euros !
> L’investissement 2015 : baisse de 1 000 000 euros !
> Tous les grands projets présentés (Ecole Michelet, Eglise Saint Martin…) avaient été engagés avant l’arrivée de la nouvelle équipe, aucun nouveau projet d’envergure capable de redonner du souffle et de l’attractivité à notre ville ne voit le jour.
> La Taxe d’Habitation 2015 baisse de 5 % : une aumône et une insulte au peuple d’Hénin Beaumont. Pour un couple payant 500 euros par an, cela représente moins de 25 euros !
> Une baisse d’impôt de 5% supplémentaires aurait coûté 250.000 euros. Il était possible de la faire en gérant mieux et en coupant dans les frais de réception (315.000 euros)
La Voix du Nord en a fait état dans l’article que vous retrouverez en cliquant ci-dessous: nous avons déposé un référé liberté.
Je vous passe les détails mais vous retrouverez l’intégralité du journal municipal en ligne ici.
Et constaterez que par contre le même Bruno Bilde, adjoint à la communication, ne voit aucun problème à indiquer 17 fois entre la page 4 et la page 7 le nom des élus d’opposition en vote contre chaque ligne budgétaire (à grand renfort de bonhommes rouges) alors que comme je l’ai expliqué dans un article précédent, l’ambiance détestable, les hurlement du maire et les insultes du public ont fait que nous n’avons pas pris part à la plupart de ces votes et avions même quitté la salle pour les derniers d’entre eux.
Pour une raison mystérieuse, mon nom apparait d’ailleurs en tête de gondole des vote « contre » les 17 fois. Alors que je ne suis pas présidente de groupe. Obsessionnel le monsieur, non?
Bouquet final: « interdiction de déposer des gerbes »
Après deux semaines intensives pour nos nerfs, ce matin a marqué un cran supplémentaire dans la folie furieuse de Bruno Bilde contre l’opposition municipale.
Nous assistions à la cérémonie officielle du 8 mai, comme nous le faisons d’ailleurs à chaque commémoration depuis le début du mandat.
Comme à chaque fois également, nous avons souhaité, après avoir participé parmi le public à la commémoration, exprimer notre hommage « à notre manière » en déposant notre propre gerbe. Pas pendant la cérémonie, pour ne pas perturber ce moment de recueillement. Mais une fois la cérémonie officielle terminée et alors que tout le monde montait dans le bus pour aller au second point de commémoration à Beaumont.
Bruno Bilde s’est alors empressé de faire fermer les grilles à deux agents.
Comme j’avais réussi à mettre un pied dans la porte pour empêcher sa fermeture totale, la discussion, très vive, s’est engagée. Bruno Bilde, au bord de la crise d’apoplexie face à ma collègue elle aussi élue d’opposition Sandrine Rogé qui souhaitait déposer une gerbe « parti socialiste », nous a alors prétexté « des textes » qui « interdiraient » de déposer des gerbes politiques le 8 mai. Avant de nous balancer sa litanie habituelle de colibet « scandaleux », « incroyable », « ridicule », « jamais vu ça » « manque de respect » « les anciens combattants sont FU-RIEUX ». « Dans AUCUNE VILLE EN FRANCE l’opposition n’oserait faire ça ».
Enfin bref nous avons réussi à le faire taire en enlevant les deux rubans mentionnant « parti socialiste » et « les verts » puis avons, sous sa surveillance furibonde, remis nos gerbe en silence, soutenus par des copains (merci à eux) et par Eugène Binaisse et David Noel, eux aussi élus d’opposition.
En voiture pour la seconde partie de la commémoration à Beaumont, j’ai pris des conseils juridiques qui m’ont confirmé qu’aucun texte n’interdit de remettre des gerbes au nom d’un parti en dehors de la cérémonie (avant ou après).
J’ai donc remis, après la seconde cérémonie et après une nouvelles salves de menaces du dit adjoint, ma seconde gerbe des verts au monument aux morts de Beaumont, en compagnie de David Noel (PCF), d’Eugène Binaisse (ancien maire et président de notre groupe d’opposition) et de Thierry Deneuville (EELV, mon binôme des élections départementales).
Bruno Bilde, toujours pas désexcité, a ensuite mené un reportage photo digne d’un épisode de NCIS-police scientifique en enjoignant le photographe de la ville à le seconder.
Il a ensuite expliqué qu’il allait se plaindre « au colonel » présent pour l’occasion, et saisir le Préfet. Que ça ne se passait comme ça « DANS AUCUNE VILLE DE FRANCE » a t’il crié une vingtaine de fois.
Alors je lui confirme une chose: dans aucune ville de France, un adjoint ne se permettrait d’empêcher un parti républicain, un jour d’union nationale, de remettre une gerbe en mémoire à nos victimes de guerre.
Je remercie mes collègues écologistes élus partout en France et qui m’ont fait remonter en quelques heures des contre-exemples de tout le pays montrant que le fait que des partis politiques ou des élus d’opposition déposent des gerbes un 8 mai, un 11 novembre ou un 14 juillet est très commun.
Alors Monsieur Bilde, sachez qu’hier matin matin, aux Pennes Mirabeau (13), le parti communiste a déposé une gerbe pendant la cérémonie officielle et que personne n’y a trouvé à redire. Qu’à Fontenay-sous-bois (94), une gerbe a été déposée pendant la cérémonie officielle au nom du groupe EELV et que tous les partis politiques et associations ont faits de même. Qu’à Saint-Orens de Gameville (dans la banlieue toulousaine), le PS met régulièrement une gerbe au monument aux morts pendant la cérémonie. Que dans le 18e arrondissement à Paris, le groupe des éluEs Verts (membres de la majorité avec le PS et le PC) dépose souvent une gerbe portant le slogan pacifiste : « Maudites soient les guerres et ceux qui les préparent », ce qui ne plaisait pas à certains mais qui faisaient avec (je ne vais pas tenter à Hénin, je pense que le FN appellerait directement le GIGN).
Je tiens à votre disposition de nombreux autres exemples, mais vous ai gardé le meilleur pour la fin: sachez que le FN a déposé une gerbe à Villejuif (94) en amont de la cérémonie. Ainsi qu’à Champigny et Villers (toujours dans le Val de Marne). Florian Philippot, accompagné de militants du FN, avait d’ailleurs déposé une gerbe sur la tombe du Général de Gaulle à Colombey les Deux Églises (Haute Marne) le 9 novembre 2014, à l’occasion du 44 eme anniversaire de la mort du Général, sans que cela n’émeuve personne au FN.
Bref, s’il y a une attitude scandaleuse dans cette ville, c’est bien celle d’une municipalité fébrile qui ne supporte pas que son opposition … existe!
Comme l’indique l’article de La Voix du Nord, la gerbe que j’avais déposée avait d’ailleurs disparue à la sortie du pot républicain (où rassurez vous je n’ai pas mangé de cacahuètes). Si une consigne a été donnée de la retirer, cela est proprement scandaleux.
Le devoir de mémoire n’est le monopole de personne. D’ailleurs je trouverais assez choquant, vu de l’extérieur, que l’opposition municipale ne participe pas aux dites cérémonies. Et dommage qu’elle n’exprime pas, elle aussi, son hommage spécifique en dehors des cérémonies officielles (je précise que je le fais également sur mes propres deniers).
Au repas du 8 mai qui suivait, alors que je faisais le tour des tables pour saluer les convives, ils ont eux aussi été nombreux à me demander ce qu’il s’était passé exactement et à être dans l’incompréhension la plus totale devant l’attitude de l’élu en question.
« Marine, parmi tes arrières grands pères, il y a des décorés des deux grandes guerres. Ils seraient fiers de te voir honorer la mémoire de toutes les victimes de ces atrocités » m’a expliqué un ancien combattant. Tandis que de nombreuses personnes âgées me faisaient remarquer que bien heureusement, tout le monde a le droit de fleurir un monument quand il le souhaite.
Enfin bref, le fait que le FN ait saisi le préfet est à la limite du ridicule (et alors quoi, je vais être condamnée pour dépôt de gerbe abusif? Pour fleurissement sauvage de monument aux morts? C’est grotesque).
Je leur conseille de respirer un bon coup et de se ressaisir car leur vrai visage est en train d’éclater au grand jour… Et que c’est loin d’être leur meilleur profil!